J’en ai, de la chance !… Vraiment ?
Vous le savez : demain est ma dernière journée de boulot traditionnel. Au moins pour cette année :-).
Je commence dès le lendemain mon congé sabbatique.
Bien entendu, mes collègues de bureau sont au courant de mon projet et de mon départ imminent. Mon projet a ainsi donné lieu à quelques discussions.
Pour la plupart de mes collègues, je vais prendre de longues vacances …
Passons sur leur vision étriquée de mon projet. On ne peut évidemment pas éluder le fait qu’il y aura une composante repos, en particulier au début. Mais mon projet ne se limite pas à ça.
Mais le plus révélateur et le plus étonnant, ce sont leurs premières réactions.
Premières réactions
Certains collègues ont eu des réactions intriguées mais constructives : pourquoi, quoi, comment, … Il semblerait même que certains aient envie de s’inspirer de mon cas dans un futur plus ou moins proche :-).
Pour d’autres, par contre, la première réaction a été de focaliser sur les mauvais coté ou le risque.
Une petite compilation :
- « Et si tu as un problème de santé ? » : une des quelques excuses pour ne pas faire. Outre le fait que je suis toujours couvert par la Sécurité Sociale et par ma mutuelle, il faudrait que je remette en question mon projet aux bénéfices certains pour un risque éventuel ?
- « Mais tu es fou de te lancer là-dedans avec la crise ! » : une autre excuse. La plus fréquente et la plus d’actualité. Et une preuve supplémentaire que trop s’abreuver à son poste de télévision et aux informations est néfaste pour la santé.
- « Tu sais, être son propre patron, c’est chaud. Là, t’es tranquille, tu fais tes horaires et voilà. » : tout n’est pas faux. Mais la facilité ne mène pas loin …
Mais la réaction qui revient le plus souvent, et de loin, c’est celle-ci : « tu en as de la chance ! ».
De la chance ?
Voila …
J’ai donc de la chance. Uniquement de la chance … Je n’y suis pour rien et n’ai donc rien fait de particulier : aucun objectif, aucune vision, aucune décision, aucune planification, aucune implication, aucun risque, aucune action, … Me dire ça à moi qui ignore la chance :-).
En poussant un peu plus en avant la discussion, la plupart réalise que finalement, la chance n’a pas grand chose à voir là-dedans.
Mais, sans cette discussion, cela reste au niveau « j’ai de la chance ». Et on bascule immédiatement après dans le fantasme : « ah ouais, tu pourras te lever quand tu veux et faire ce que tu veux, plus besoin de prendre les transports en commun ou de bosser sur des trucs qui ne te plaisent pas … ».
Ben ouais :-) …
Cette réaction « tu en as de la chance ! » m’a intrigué. À la réflexion, elle implique 2 choses et a donc 2 avantages pour celui qui parle :
- Tout d’abord, cela signifie que le chanceux n’a aucun mérite. Il n’a rien fait de particulier : pas d’objectif, pas de décision, pas de planification, … Rien. C’est juste arrivé comme ça. Et le chanceux aurait tout aussi bien pu se casser une jambe.
- À l’inverse, le malchanceux n’y est pour rien. Il n’a juste pas de chance. Ce n’est ni de sa faute ni de sa responsabilité. Et le fait qu’il n’ait visé aucun objectif, eu aucune vision, pris aucune décision, réalisé aucune planification, pris aucun risque, entrepris aucune action, … n’a rien à voir avec le statu-quo du malchanceux. Il est juste malchanceux.
Ou de la prise de responsabilité ?
Alors, je ne jette la pierre à personne.
J’ai longtemps souvent été du genre à réfléchir plus que de raison, à ne pas prendre aucun risque inconsidéré et à suivre la voie toute désignée et déjà tracée. Il y a 5 ans, je n’en étais qu’aux balbutiements d’un début de prise de conscience, ce qui est le pré-requis à tout changement et prise de responsabilité. Et il y a encore 3 ans, un projet de congé sabbatique ne m’aurait pas effleuré l’esprit.
Il y a un début à tout …
Mais je n’ai jamais été du genre à simplement m’exclamer bêtement « tu en as de la chance ! ». Je cherche plutôt à savoir le pourquoi du comment, connaître les raisons et les motivations, identifier les processus et les actions.
Juste penser à la chance comme moteur et justification me semble tellement facile et déresponsabilisant.
Choisissez votre camp !
Si vous attribuez une réussite quelconque à la chance, reprenez-vous et veillez à ne pas sombrer un peu plus ! Reconnaissez plutôt le mérite de l’acteur de cette réussite et intéressez-vous à ce qui a fait pour réussir : méthodes, techniques, plans, organisation, actions, …
Il ne faut pas bien sur tomber dans l’excès inverse, et tout ramener à soi, échec comme réussite. Il y a une part d’impondérable et d’incontrôlable en toutes choses et dans tous projets. Mais il y a un juste milieu à trouver.
Il s’agit de prendre la responsabilité de sa vie, de ses actions et de ses résultats.
L’inconfort en est le prix passager. Mais l’épanouissement personnel en est le gain durable.
Cet article a été écrit le 5 janvier 2012 dans le RER vers Paris. Préparation: 15 minutes. Rédaction: 70 minutes.